Autour du roman 'Ceci n'est pas l'Afrique', une invitation à découvrir le Gabon de façon atypique. Un récit signé Anne-Cécile Makosso-Akendengué, publié en 2010 par l'Harmattan Editions. Et puis la culture des diasporas de façon plus générale.
Cette grande dame de la
chanson gabonaise n'était pas revenue sur une vraie scène
parisienne digne de ce nom depuis 2021. Alors autant dire que les
franciliens peuvent être heureux. Ces derniers temps, la chanteuse à
qui l'on doit de beaux titres comme 'La caravane passe', 'Bangu',
'L'ma kane' avait beaucoup tourné en province, notamment en Bretagne
où tous ses concerts attirent du monde. Et c'est accompagnée de ses
musiciens et d'une première partie avec le slameur Tat Koumb, que la
chanteuse illuminera pour la seconde fois la scène de la grande
salle du 360 Paris Music Factory.
Au cours des dernières décennies, on observe en période électorale au Gabon, une recrudescence de la découverte de corps d'hommes ou de femmes délestés de leurs organes génitaux ou de cimetières profanés pour collecter des organes humains (crânes, langues, cheveux, coeurs, tibias, fémurs, phalanges, foies, poumons, sexes, testicules, clitoris, etc.). Ces organes humains aussi appelés "or blanc" servent à fabriquer des fétiches et de puissantes amulettes et permettraient de garantir les succès électoraux et le maintien ou l'acquisition de postes politiques. C'est l'objet de l'ouvrage 'Les économies occultes de l'or blanc au Gabon' Lionel Ikogou-Renamy qui a accepté de nous accorder un entretien.
Merci, Lionel Ikogou-Renamy, de nous accorder un entretien. Vous avez rédigé l'ouvrage 'Les économies occultes de l'or blanc du Gabon' paru l'année dernière chez l'Harmattan. Vous y analysez le commerce des organes humains dans la société contemporaine gabonaise, qu'est-ce qui vous a conduit à aborder ce sujet aussi explosif ?
Merci pour l'intérêt que vous me portez. Ce qui m'a conduit à aborder ce sujet au point d'écrire un livre, c'est un constat. Premièrement j'ai habité à proximité des cimetières et j'ai toujours eu la possibilité de m'y balader, et observer régulièrement des casses de sépultures sans faire de rapprochement avec une période de la vie sociale. Cette proximité avec la "place des morts" a agi comme un catalyseur et lorsque j'ai eu cette occasion en année de Licence de Sociologie à l'université de Libreville, lors des propositions des sujets de recherche, j'ai soumis le sujet qui a vu l'approbation du directeur de recherche (Joseph Tonda)...
Deuxio, le constat des profanations des tombes en période électorale au Gabon m'a davantage conforté dans ce choix car j'ai trouvé cela nouveau et intéressant
Votre ouvrage contient plus de 400 pages. Combien d'années de recherche ont été nécessaires pour mener à bien ce travail ambitieux ?
Cette recherche de 400 pages est le fruit de 6 annéesde recherche au département de Sociologie de l'université de Libreville, de l'année de licence de Sociologie en 2007, à son aboutissement heureux le 28 avril 2014 avec la soutenance de thèse de doctorat dans la formation doctorale des sciences sociales option Anthropologie africaine. C'est donc ce long cumul d'une recherche passionnante qui a abouti plus tard à la sortie de mon livre. Je note aussi qu'au Gabon, la recherche, est souvent très pénible, absence de sources informatives, objets d études délicats, l'omerta etc., pour ne citer que ces exemples, mais j'ai surmonté ces difficultés parce que j'ai cette impression d'un terrain quasi inexploré...
Avant vous, la question du commerce des organes humaines n'avait fait l'objet d'une véritable étude digne de ce nom. Comment l'expliquez-vous ? Uniquement par la question du tabou ? Et avez-vous été menacé ?
Sur cette question, il y a un fort travail du tabou, la force de l'imaginaire collectif y est aussi pour beaucoup... D'ailleurs à ce propos je suis tout à fait d accord avec le philosophe Sénèque qui rappelle que "nous souffrons de l'imagination plus que de la réalité"...
En 2012, j'ai été victime des menaces téléphoniques de mort, puis ça été le tour de ma mère, ce qui m'a fait prendre conscience de la dangerosité de cette recherche... Établir le rapport entre les profanations des tombes et les périodes électorales au Gabon, c'est osé... Surtout dans un pays où les services de renseignements travaillent... J'ai donc usé de prudence, d' ailleurs ce qui m'a emmené à proposer ce titre évocateur des "économies occultes de l'or blanc au Gabon"... Au final, cette forte métaphore illustre bien cette collusion au Gabon entre le pouvoir politique et l'usage de la mort...
Quelle a été la réception de votre travail au Gabon et à l'international ?
Mon travail n'est pas bien perçu au plan local, "je m'attaque" d'après certains à nos mœurs et il n'est pas coutume de le faire. Que les choses soient claires, je ne juge personne, j'étudie de façon objective les effets des croyances et imaginaires, mieux leur impact sur les pratiques sociales, comment nous concevons la mort et notre rapport à elle. Au plan international, avec la publication du livre, je profite pour remercier (Joseph Tonda, Florence Bernault, Roberto Bénédicte, Noé Michalon) tous ceux qui ne ménagent aucun effort afin de promouvoir l'ouvrage...
Où en êtes-vous en 2023 dans votre parcours professionnel ? La publication de votre ouvrage a t-elle eu un impact sur votre vie ?
Je poursuis mes recherches, je publie des articles dans de grandes revues internationales et un 2e ouvrage est en gestation... Professionnellement j'enseigne la philosophie dans les lycées parce qu'à l université, et comme par hasard, je n'ai pas pu avoir un poste malgré plusieurs tentatives de candidature jusque là infructueuses depuis 2014... Publier cet ouvrage a eu un impact plutôt positif sur moi car je ne perçois plus la mort de la même façon; j'ai davantage de respect pour elle, côtoyer la place des morts m'a rendu encore plus humble car, comme le disait Socrate, "je sais une chose, c'est que je ne sais rien"....
Merci
Ouvrage disponible en librairies et sur amazon, fnac.com, decitre.com.
C'est une voix fragile et claire à la fois, proche d'un cri qui surgit tardivement dans la nuit des bars parisiens depuis plus de vingt ans. Dans les vapeurs d'alcool, dans la pénombre d'une salle, cet homme maigre, portant béret, ne ressemble à nul autre pareil. Oh, quand il parle entre les chansons, sa voix est plus douce, il se permet même une pointe d'humour. Il chante ses chansons, à la guitare, parfois des chansons du patrimoine (Alain Souchon). Mais les chansons de Ben Nodji font désormais partie de notre patrimoine francophone, le célèbre parolier Claude Lemesle ne s'était pas trompé, qui avait lui-même écrit pour notre griot contemporain le texte de Fraternité : 'Où l'a-t-on jeté, la fraternité, dis-moi mon frère. A-t-elle existé, la Fraternité, avant notre ère. Est-ce une illusion, un rêve en carton, un oiseau mort'. Ben Nodji chante ses frères et ses soeurs, ses souvenirs, la femme, la féminité et même l'écologie. Tout un (beau) programme que le public pourra applaudir ce dimanche 18 juin à 17h à l'Atelier du Verbe, Paris 14.
Nous avions annoncé son premier concert donné le 15 octobre à Aix-en-Provence. Le slameur Myster Ezin défend depuis son album 'Espoirs' sur de nombreuses scènes, jusqu'au Casino de Paris où son passage en première partie a été remarqué. Il choisit en ce printemps de nous surprendre avec un nouveau clip pour la chanson 'Te chérir'. A savourer sans modération.
C'est un spectacle qui bénéficie de la mention culte. Pas assez joué et pourtant qui marque systématiquement le public, de Saumur à Bruxelles. La comédie musicale 'Urgence de Vous, du Gabon à la Russie' se joue des clichés, embarque le spectateur dans de multiples directions inattendues dans voyage musical et poétique total. Veronika Bulycheva et Jann Halexander se donne à fond, animés par une grande générosité et leur expérience incontestable de la scène.
Ce spectacle fut donné pour la première fois le 16 mai 2019 au Nez Rouge, une salle qui n'existe plus. Il fêteront l'anniversaire de ce spectacle le 16 mai prochain au fameux théâtre du Gouvernail, Paris 19 avant de chanter à Roanne le 19 mai, Lyon le 20, Troyes le 9 juin.
Jann
Halexander (Aurélien Makosso-Akendengué, de son vrai
nom), est un franco-gabonais qui
compte près d’une vingtaine d’années de carrière pour
quasiment le même nombre en termes d’albums et de projets
musicaux, parmi lesquels l’album Consolatio
sorti en août 2021.
Un
album qui interpelle dès son titre d’autant plus que le
« consolatio » est
un genre littéraire argumentatif qui a pour objet de consoler des
affligés frappés par un malheur, le plus souvent la mort d'un être
cheret que nous
savonsJann Halexander
adepte de la chanson à texte.
On
est amené à se poser une multitude de questions comme celle de
savoir si cet album ne tombait pas à point nommé, compte tenu de
l’urgence sanitaire que traverse ou traversait le monde au moment
de sa sortie.
Si
idée de consolation il y a, on pourrait envisager que Jann
Halexander invite ou incite fortement toute personne écoutant
l’album à profiter de cette conjoncture pour un exercice
particulier : se poser, réfléchir et plonger au fond de
soi-même. Une invitation dans laquelle il semble se fixer lui-même
des garde-fous, afin d’éviter de tomber dans les pièges d’une
certaine forme de démagogie ou dans un côté barbant, en essayant
de nous proposer de belles musiques. Parce que la musique est d’abord
son moyen d’expression premier.
Consolatio
ce sont souvent quelques notes de piano qui débutent une chanson.
Ensuite vient la voix de Jann Halexander. On pourrait penser à une
forme de monotonie qui s’installerait et qui nous sommerait de
rester « par
habitude » car
« il doit bien y
avoir » quelque
chose à découvrir.
« Il
y a quelque chose de bien monotone qui défie les saisons, de
l'hiver à l'automne va donc savoir à quoi notre amour
s'accroche a-t-on vraiment raison, vieillir seul, non, alors… »
Mais
non, Jann Halexander n’est pas de ces poètes qui restent par
habitude et qui écrivent uniquement pour eux.
« Je
crois qu'au lieu d'être là
Je
devrais t'écrire un poème
Peut-être
je perds mon temps
Mais
je décide de ma perte
Et
qui saura, un jour peut-être
Te
sera venue l'envie de me chercher... »
Au
fil des chansons on passe par une palette de sentiments, d’émotions
et de situations que peuvent vivre des millions de personnes à
travers le monde et même à travers l’espace et le temps. Chacun
des thèmes devenant parfois le prolongement ou venant remettre en
cause un ou plusieurs autres avec l’idée qu’il peut toujours y
avoir pire et peut-être mieux.
« Pour
tenir il faut l’amour ». Et lorsque l’amour ne suffit plus,
l’habitude vient prendre le relai.
« Reste
par habitude on a passé tant de caps, faut que ça dure, alors
reste par habitude jusqu'à ce que le temps gomme nos
incertitudes… »
Mais
« finalement que se passe-t-il quand on est dans une famille
dans laquelle tout le monde se tape dessus ? ».
« Ce grand
salaud va rendre l'âme
C'est pas trop
tôt, nous dit sa femme
Il l'a trompée
sans état d'âme
Pour lui, elle a
perdu la flamme
Elle le regarde,
tout soupirant
Elle attend le
précieux moment
Avec une
bouteille de crémant
Moi j'ai apporté
des croissants… »
Que
se passe-t-il « pour la personne seule attendant l’amour tant
espéré ou avec lequel il y a un malentendu ? ».
« Je
t'écris de l'Île de Pâques Seul dans ma nudité Je cherche
des réponses à des questions fort bien étranges Tu
rigolerais Tu te moquerais Voilà pourquoi nous ne sommes plus
ensemble... »
Comment
tient-on le coup si « on n’a pas la foi » ?
« J'ai pas
la foi, mais je vais bien
Où que tu sois,
mais ça fait rien
J'ai pas la foi,
mais je vais bien
C'est ce qu'on
dit quand rien ne va… »
Et
si on n’a pas la foi est-ce-que « je vais bien ? »,
est-ce que « ça pourrait être pire… »
« Crois-moi
ça pourrait être pire
tu
serais en train de fuir
des
bombes sur ton village
et
des violeurs aguerris
Allons
donc prends du pastis
quoi,
elle est pas belle la vie ?...»
23 avril 2022, Le Portail, Villejuif
Affiche de la tournée CONSOLATIO, 2022
Dans
Consolatio, on trouve d’emblée cette démarche visant à aider les
gens à supporter certaines situations et en même temps de s’aider
soi-même à les supporter. Jann Halexander entame donc un dialogue
avec l’autre et l’autre semble compter dans un monde où on peut
tour à tour passer par la solitude, la douleur, la perte d’un être
cher, la rupture amoureuse, l’exil. Dans un monde aux multiples
affres, blessures, injustices, joies. Un monde aux multiples autres
existences en parallèles. Ces existences pourraient-elles être les
nôtres ?
« Quelques
soient nos époques
non rien ne meurt
jamais
Quelques soient
nos époques
non rien ne meurt
jamais
comme l'amour
qu'on se voue
comme l'amour
qu'on s'avoue
comme rien ne
change jamais
on le regrette
toujours
C'est
ainsi que le clament
Des
millions d'Hadrien
juste
avant leur départs
vers
des mondes incertains... »
Une
chose est certaine, loin d’une autobiographie, Jann Halexander
commence cet album en s’interrogeant lui-même sur sa condition
dans ce monde et nous interroge dans le même temps. Une
interrogation métaphysique sur ses existences précédentes, voire
des origines de l’humanité « Qui étais-je avant…d’être
celui de maintenant » et de « que restera-t-il dans
l’obscurité du néant ? ».
« Qui
étais-je avant ? L'eau le sable, le vent Qui étais-je avant
d'être celui de maintenant
Qui
étais-je avant ? Dans l'espace et le temps Que restera-t-il
dans l'éternité du néant… »
Sur
ce que nous avions été même avant de naître. Finalement, nous
sommes ici incarnés mais qu’avons-nous été avant ?
« J'étais
une femme, j'étais un noir Ou peut-être bien un juif
errant J'étais poisson ou bien un chat Ou une poussière
d'étoile filante… »
Et
si cette interrogation s’applique à la palette des sentiments,
émotions et situations qui traversent l’album Consolatio,
on retiendra ce qui restera pour Jann Halexander :
« Qui
étais-je avant ? Dans l'espace et le temps Que restera-t-il
dans l'éternité du néant